La Presse
Le nombre d'anciens combattants traités pour des troubles psychiatriques a grimpé de 400% au cours des cinq dernières années, a appris La Presse.
Et, à l'heure actuelle, on estime que la moitié des militaires renvoyés annuellement à la vie civile pour des raisons médicales ont des problèmes psychiatriques.
C'est ce qui ressort de données fournies par le ministère Anciens combattants Canada, qui s'occupe de verser des pensions d'invalidité et des services de toutes sortes, dont les services médicaux aux anciens soldats, quel que soit leur âge.
Ces statistiques indiquent à quel point les militaires canadiens paient d'un lourd tribut leur participation à des missions beaucoup plus dangereuses que par le passé tel l'Afghanistan, ou plus horribles comme le Rwanda et la Bosnie dans les années 90. Au-delà des morts et des blessés sur les champs de bataille, les blessures de l'âme se cicatrisent mal, sinon jamais.
Au 31 mars dernier, 8385 personnes recevaient une pension du ministère Anciens combattants Canada (ACC) pour des raisons de santé mentale. De ce nombre, les deux tiers (66%) sont d'anciens militaires issus des Forces canadiennes de l'après-guerre ou d'anciens agents de la GRC. Seulement le tiers sont des vétérans de la Seconde Guerre mondiale.
«Plus que jamais, les membres des Forces canadiennes sont déployés sur des missions plus longues et plus dangereuses. Et on leur demande de retourner en mission avec moins de temps pour récupérer. Tout cela a mené à une forte augmentation du nombre de cas», indique Pamela Price, porte-parole d'ACC.
En somme, on est loin des missions de paix des années 60 et 70.
De plus, au cours de la dernière décennie, le nombre de missions s'est multiplié alors que le nombre de soldats dans la force régulière a chuté d'environ 75 000 à 55 000. Non seulement ceux qui restent furent déployés plus fréquemment, mais ce sont plus souvent qu'à leur tour les soldats de l'armée de terre (une des trois composantes de l'armée avec l'aviation et la marine) qui ont été appelés à intervenir dans les zones les plus dangereuses comme à Kandahar actuellement.
Le syndrome de stress post-traumatique (SSPT) vient au premier rang des maladies mentales le plus souvent diagnostiquées. Souvent, il se conjugue avec d'autres problèmes, telle la dépression. Si on reprend le nombre de 8385 pensionnés souffrant de maladies mentales indiqué plus haut, 5541 d'entre eux (ou 68%) souffrent de SSPT.
La semaine dernière, un ancien soldat canadien, David Borsch, a été acquitté au Manitoba de l'accusation d'avoir agressé sexuellement une adolescente à la pointe du couteau. La cour a accepté les arguments de la défense selon lesquels l'ex-militaire souffre de SSPT depuis son retour de Bosnie, il y a 10 ans. Ce dernier n'a pas nié les faits relatifs à l'agression, mais sa mémoire est défaillante a argué son avocat.
Selon le Dr Paul Provençal, omnipraticien rattaché à l'hôpital Sainte-Anne depuis 25 ans, le patient type souffrant de SSPT est un ancien militaire près de la quarantaine qui a été libéré de l'armée dans la dernière année et envoyé à ACC pour traitements. Dans une moindre mesure, il s'agit d'un ancien combattant retourné à la vie civile depuis plusieurs années qui souffre de divers symptômes et a décidé de consulter après avoir pris connaissance des différents services s'offrant à lui.
Réseau de cliniques
L'augmentation substantielle du nombre de cas est aussi en partie liée à la démystification des problèmes de santé mentale chez les militaires. «Les études faites à ce sujet, des rapports écrits par l'ombudsman de l'armée, des témoignages comme ceux du général Dallaire ont sensibilisé les gens», indique Johanne Isabel, gestionnaire du Centre Sainte-Anne, une clinique externe de l'hôpital des anciens combattants de Sainte-Anne-de-Bellevue.
Ouverte en 2001, la clinique se consacre exclusivement aux soins liés au stress opérationnel, autre nom du SSPT. Or, depuis son inauguration, elle a vu ses activités augmenter d'une façon phénoménale et son personnel tripler, passant de 11 à 33 employés, dont des psychiatres, des psychologues et des travailleurs sociaux.
À l'origine, cette clinique avait une vocation régionale. Mais devant la forte augmentation du nombre de cas, les ministères des Anciens combattants et la Défense nationale ont décidé de mettre sur pied un réseau national de centres consacrés uniquement au SSPT. Le Centre Sainte-Anne s'est alors vu charger d'un mandat national pour voir tant à la recherche qu'au soutien à l'ouverture de nouvelles cliniques.
Maintenant, on retrouve cinq cliniques comme celle de Sainte-Anne-de-Bellevue à travers le pays, dont la plus récente a été inaugurée à Calgary lundi. Trois autres sont en voie d'être ouvertes, ce qui laisse voir combien les besoins sont importants.
Le SSPT n'est pas un phénomène nouveau chez les militaires. On en retrouve des traces jusque dans la guerre de Sécession américaine. En février dernier, une étude du Pentagone publiée dans le Journal of the American Medical Association indiquait que le tiers des soldats américains ayant servi en Irak avaient reçu une aide psychologique durant la première année suivant leur retour. Aussi, 12% d'entre eux avaient reçu un diagnostic pour des problèmes psychologiques de toutes sortes.
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